Histoire de la Qualité de Vie au Travail

Si l’intérêt pour la qualité de vie au travail (QVT) est récent en France, l’apparition du concept remonte aux années 70. Une brève mise en perspective historique montre des Américains attachés au développement des personnes et des Européens plus sensibles à la dimension collective.

On trouve les fondements du concept de qualité de vie au travail (QVT) dans les années 50, chez Eric Trist, du Tavistock Institute de Londres, dans le cadre de ses recherches mettant à jour les limites du taylorisme (monotonie, déqualification, sentiment d’aliénation, impacts négatifs sur la productivité…). Ces travaux aboutissent à l’idée convaincante que l’efficacité au travail est intimement liée à la qualité de vie au travail et que ce lien dépend d’abord de l’organisation du travail et des méthodes de production.
Trist met plus particulièrement en évidence l’importance du collectif de travail, de son autonomie, dans sa fonction de soutien aux individus aux plans psychologique et productif. Autrement dit, la QVT prend sa source dans la capacité de l’entreprise à articuler convenablement les dimensions humaines, sociales et techniques du travail. Sur ces fondements, deux courants émergeront, l’un aux USA et l’autre en Europe plus particulièrement dans les pays scandinaves.

Des Américains attachés au développement des personnes
Aux USA, vers les années 60, et à la suite des travaux d’Abraham Maslow et de Douglas McGregor sur les « besoins » et les « facteurs de motivation » des salariés, Frederick Herzberg place au cœur de son analyse l’idée d’intégrer ces facteurs dans la situation réelle de travail : enrichissement et élargissement des tâches, importance d’un travail valorisant… Il souligne l’importance de ne pas limiter les politiques RH aux facteurs « extrinsèques » de motivation (rémunération, environnement matériel…).

Le terme QVT est mentionné pour la première fois lors d’une conférence à New York en 1972 où un groupe de chercheurs est constitué pour en donner une définition qui agrège quatre aspects : intégrité physique, intégrité psychique, développement du dialogue social et équilibre vie au travail et vie hors travail (Louis E. Davis et Albert Cherns). À la même période, émerge l’intérêt pour la santé psychologique au travail avec les recherches sur les phénomènes de stress, puis de burn out (épuisement professionnel), et leurs causes organisationnelles (Robert Karasek, Edward E. Lawler).

Dans les années 80, des auteurs comme Richard Hackman et Greg R. Oldham définissent la qualité de vie au travail comme l’articulation entre les besoins des salariés et le contenu du travail (autonomie, sens du travail, variété…) qui assure à la fois le bien-être et l’efficacité productive. Poussant l’argument, des auteurs (Leni Beukema) définissent la QVT comme le pouvoir exercé par le salarié dans la conception de son poste de travail.

Les Européens plus sensibles à la dimension collective
Alors que le monde anglo-saxon inscrit la QVT dans une perspective individuelle intégrant les dimensions organisationnelles du poste de travail et de la santé au travail, les pays scandinaves (les travaux du National Institute of Working Life de Suède) mettent plutôt l’accent sur le collectif de travail (équipe semi-autonome) et sur la participation des salariés. L’engagement des collectifs salariés a trait aux décisions touchant leur activité, mais aussi aux orientations stratégiques de l’entreprise via leurs représentants ou directement (démocratie industrielle).
Dans la pratique, la participation des salariés aux décisions peut prendre différentes formes : consultation, concertation, codétermination dans le cadre d’un compromis social où l’État laisse les partenaires sociaux élaborer eux-mêmes les compromis socioproductifs.

Une approche française
En France, on a longtemps préféré utiliser l’expression « amélioration des conditions de travail », avec une connotation plutôt « risques professionnels » et prévention.
Ce n’est que récemment que le terme QVT émerge dans des accords d’entreprises puis dans l’accord national interprofessionnel de juin 2013. Celui-ci propose une définition opératoire et systémique de la qualité de vie au travail : « Les conditions dans lesquelles les salariés exercent leur travail et leur capacité à s’exprimer et à agir sur le contenu de celui-ci déterminent la perception de la qualité de vie au travail qui en résulte ».

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